Ils sont les victimes "collatérales" de la pêche. Chaque année, 12 000 cétacés - dauphins en tête - meurent accidentellement, coincés dans les mailles des gigantesques filets de pêche qui traquent le poisson dans les eaux européennes. Selon une étude (la première du genre) menée par l'Association pour la préservation des baleines et des dauphins (WDCS), 300 000 cétacés périraient ainsi tous les ans. Un véritable gâchis qui s'explique par les rendements des chaluts pélagiques qui pêchent cabillauds, bars, thons et maquereaux dans les eaux de surface. Leurs filets, qui ratissent très large, ne font pas dans le détail : marsouins, dauphins communs, rayés ou à flanc blanc, mais aussi petites baleines sont capturés puis rejtés en mer. Dans le jargon, on dit "prises accessoires".

Des lois trop "molles"

"En France, on les retrouve régulièrement, échoués sur les côtes landaises ou sur les plages bretonnes. Mais ce n'est qu'une partie de l'iceberg. De toute façon, leur mortalité est diffile à évaluer parce que la plupart des flottes de chaluts refusent la présence d'observateurs à bord", explique Pierre Ramel, chargé de mission Océans a Greenpeace-France. Pour évaluer la situation, il a rejoint hier l'"Esperanza", le plus grand navire de Greenpeace, qui va silloner pendant deux mois les mers européennes. Objectif : sensibiliser les opinions et pousser l'Union européenne à légiférer, ce qu'elle s'apprête à faire, mais trop "mollement" selon Greenpeace.

Pour le naturaliste Yves Paccalet comme pour d'autres spécialistes, le stade de l'urgence est déjà dépassé. "Dans certains endroits comme la mer Noire, c'est déjà fini. Dans l'Atlantique Nord et les grands océans, toutes les populations de cétacés sont en voie de régression rapide. Il y a encore cinquante ans, les dauphins communs justifiaient leur nom. Dans l'Atlantique, on en trouvait par millions. Aujourd'hui, l'effondrement est inchiffrable mais incontestable" explique l'auteur de "la Vie secrète des dauphins" (éditions L'Archipel, 2002). Comment ce mammifère, adoré des enfants depuis les exploits cinématographiques de Flipper, en est-il arrivé là ? Selon Yves Paccalet, le "désastre" ne s'explique que partiellement par le manque de discernement des chaluts de pêche. "Tous les rapports d'experts soulignent que la mer est surexploitée par la surpêche. Le dauphin passe désormais 80 % de son temps à chercher de la nourriture, contre 15 % il y a cinquante ans. Aujourd'hui, c'est la disette qui les menace."

D'autres causes les fragilisent : la disparition progressive - liée à la colonisation humaine - des zones côtières abritées, et toute une batterie de pollutions. Sonore à cause du trafic maritime, mais aussi chimico-biologique "car les fleuves rejettent en mer des quantités astronomiques de polluants, notamment les dioxines, les pesticides et les métaux lourds", souligne le naturaliste. "Les dauphins en souffrent beaucoup car ils sont au sommet de la chaîne alimentaire. Leurs défenses immunitaires s'affaiblissent et ils développent des infections mortelles. C'est ce qu'on appelle le sida des dauphins." Et d'ajouter, désabusé : "voilà comment une espèce légalement protégée dans le monde est progressivement engloutie. J'y vois un signal, la préfiguration de ce qu'on se prépare à nous-mêmes..."

article de Charles de Saint Sauveur,
paru dans le journal "Le Parisien" le 23 janvier 2003

 

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